Philippe : entre mairie et ultra-marathon

Publié le par ACM

Maire, jardinier, centbornard, Philippe nous montre que ce n’est pas incompatible, pas facile à concilier, mais possible !

 

Merci Philippe pour ce témoignage ! Et avis à toutes celles et tous ceux qui souhaitent nous faire partager leurs passions. 

 

 

A ceux qui nous tendent un verre d’eau

En mars 2001, j’ai été élu maire de mon village, petite commune rurale de 145 âmes située en Côte d’Or (Samerey). Trois semaines auparavant, je n’avais même pas imaginé que je pourrais faire partie du Conseil municipal. C’est comme cela dans les petites communes où les amateurs de responsabilités ne se précipitent pas et où l’on est davantage élu par cooptation que suite à une candidature officielle. Je me suis demandé ce que les gens savaient de moi. Pas grand-chose : marié, une fille, professeur au lycée de la ville voisine, coureur à pied qui ferait mieux de tailler ses haies au lieu de perdre son temps à parcourir les chemins champêtres et forestiers. Sur mes capacités à prendre en main les destinées d’une commune : rien, ou des suppositions. « Qu’à cela ne tienne, pensait-on, il fera l’affaire ».

 

Et c’est là que les difficultés commencent. Comment concilier un métier prenant, une vie de famille, un jardin, deux chiens, une implication associative et paroissiale, trois ou quatre entraînement par semaine, un goût prononcé pour la lecture et, à l’époque, les soucis d’une petite résidence secondaire à l’autre bout du département. Je pense souvent à une réflexion de mon médecin : « C’est pas croyable ce que les gens se mettent sur le dos ! »

 

J’ai mis un point d’honneur à prendre très au sérieux cette nouvelle tâche. Il y avait beaucoup à faire sur la commune et j’ai dû m’initier rapidement au métier de maire, car c’est vraiment un métier. On n’imagine pas de l’extérieur l’ampleur de la tâche. Il faut s’occuper de tout : école, voirie, assainissement, forêt, affouages, animation culturelle, église, cimetière, espaces verts, canicule, déneigement des voies communales, accès à l’Internet, transports scolaires, eau, électricité, tentatives de règlement de conflits de voisinage, chiens errants, association de chasse, Comité des Fêtes, réunions avec les collègues de l’Association des maires, convocations en Sous-Préfecture, tirage au sort des jurés d’assise, accueil aimable des « rustres et des malpolis », réception de lettres anonymes… j’en passe et des meilleures. Et nous n’avions même pas un fax au début. Cela s’ajoutant au reste, je ne cache pas que dans les six premiers mois, j’ai plusieurs fois été tenté de démissionner. Heureusement, je n’étais pas seul. Entouré d’adjoints motivés et efficaces, d’une secrétaire de mairie hyper compétente, j’ai tenu bon et nous avons réalisé des choses dont nous sommes plutôt fiers.

 

« Quel est le rapport avec la course à pied ? », me direz-vous. J’y arrive.

 

Dans mes multiples occupations, il a fallu faire des choix. L’amateur de boutures et de greffes que j’étais s’est effacé. Le jardin a été entretenu au minimum. La course à pied mise sous le boisseau pendant plus d’une année. Avec  un record sur marathon à 3 h 27’ et sur    100 km à 10 h 34’, je rêvais de 3 h 15’ et de 10 h. J’ai dû y renoncer. Mon emploi du temps ne me permettait plus de m’entraîner régulièrement, et puis franchement, je n’avais plus la tête à cela. Contrairement à certains pour qui le sport est un moyen de se détendre, de faire autre chose, je n’ai jamais pu aller courir en ayant à l’esprit les soucis de la mairie, les cours à préparer ou la perspective d’une réunion tardive à la Communauté de communes. La course à pied est importante, mais nous ne vivons pas que pour nous-même et il faut apprendre à mettre les choses à leur juste place.

 

Et puis, peu à peu, j’ai pu avoir un peu de répit, me réorganiser, et le virus du 100 km est revenu. Reprise de l’entraînement, 1 marathon en 2002, un autre en 2003 et la même année, retour sur 100 km à Château-Chinon. Moi qui suis par une branche de ma famille originaire du Morvan (Sermages), je ne pouvais manquer ce retour aux sources et je crois d’ailleurs que pour affronter une telle distance, il nous faut une motivation psychologique que chacun se forge à sa manière. La mienne était là. J’ai enchaîné depuis les courses à raison de deux ou trois par an, Millau, Theillay, quelques marathons de préparation (sauf en 2006 pour blessure) en ayant revu mes objectifs chronométriques à la baisse. Ni le Morvan ni les Causses ne permettent d’ailleurs de battre des records et puis à partir d’un certain âge, on devient modeste, mais l’essentiel n’est pas le chrono. Chaque course est un voyage et une aventure. Voyage dans les magnifiques paysages de nos campagnes, aventure parce-que l’on ne sait jamais, en dépit des prévisions et tableaux de marche, ce qui nous attend ni si l’on va aller jusqu’au bout. J’aime bien la phrase de Montherlant qui dit que « les grandes aventures sont intérieures ». Je crois que, plus ou moins consciemment, tous les centbornards adhèrent à cette définition.

 

Cette modeste expérience d’élu et de coureur m’inspire, entre autres, deux réflexions. La première concerne mes collègues, maires de petites communes rurales. L’immense majorité d’entre-eux sont des gens de qualité, dépourvus d’ambition personnelle et qui ont un sens infiniment respectable du service des autres et un objectif, le développement de leurs communes. Leur charge de travail est énorme, leurs responsabilités sont considérables, et leur fonction requiert des compétences de plus en plus étendues. Ils donnent beaucoup de leur temps et d’eux-mêmes. Cela n’est pas toujours compris par leurs administrés,alors selon la formule traditionnelle, au lieu de chercher ce qu’ils peuvent faire pour vous, cherchez plutôt ce que vous pouvez faire pour eux et surtout pour la collectivité à laquelle vous appartenez. La seconde réflexion découle de la première. Je vois maintenant de l’intérieur tout ce que suppose l’organisation d’une manifestation comme ces courses que nous aimons. Les rapports avec la Préfecture , la Mairie , les associations, la mobilisation des bénévoles d’autant plus difficile que la commune est petite, la recherche des mécènes, les demandes de subventions, la préparation du parcours, l’organisation des ravitaillements, l’hébergement, les podiums, les repas, les récompenses, le site Internet… Il faut argumenter, convaincre, payer de sa personne. Quand je vois Eric, signaleur à mon premier passage à Arleuf  et que j’apprends qu’il arrive deuxième du 50 km quelques heures plus tard, je lui tire mon chapeau. A lui, mais aussi à tous ceux qui patiemment et avec le sourire nous attendent dans les hameaux pour nous tendre un verre d’eau et qui font que l’on aime le Morvan, son 100 km et que l’on y reviendra l’an prochain.

Pour visiter le site de la mairie de Philippe, cliquez ici

 

SAMEREY

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